Mémoire de
l’Institut canadien des actuaires
au Comité permanent des finances de
         la Chambre des communes

Août 2011

Mémoire de l’Institut canadien des actuaires présenté au
Comité permanent des finances de la Chambre des communes

Qui nous sommes et ce que nous faisons

L’Institut canadien des actuaires (ICA) est l’organisme national de la profession actuarielle au Canada. L’ICA établit les Règles de déontologie, les principes directeurs et les processus de surveillance et de discipline des actuaires qualifiés. Tous les membres doivent respecter les normes de pratique de la profession. L’ICA respecte ses principes directeurs, notamment le premier, c’est-à-dire faire passer l’intérêt du public avant les besoins de la profession et de ses membres. L’ICA aide aussi le Conseil des normes actuarielles à élaborer des normes de pratique applicables aux actuaires exerçant leur profession au Canada.

Les actuaires font appel à leurs connaissances spécialisées en mathématiques financières, en statistique et en théorie des risques afin de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les régimes de retraite, les organismes de réglementation, les institutions financières, les sociétés d’assurance-vie et d’assurances IARD, les programmes sociaux et les particuliers. À notre avis, compte tenu de ces compétences, les actuaires sont les personnes tout indiquées pour offrir une contribution exceptionnelle dans le domaine de la gestion du risque d’entreprise.

L’ICA se réjouit de pouvoir présenter son opinion sur des questions qui pourraient influer sur vos délibérations budgétaires.

Thèmes

Cette année, nous soumettons deux éléments à votre examen : 1) des commentaires sur la mise en œuvre des régimes de pension agréés collectifs (RPAC) et 2) la valeur que peut conférer l’actuariat au système de soins de santé et aux prochaines négociations d’un nouvel Accord sur la santé.

Au cours des cinq dernières années, nous avons soumis à ce comité et à d’autres groupes dans tout le pays plusieurs idées dans le domaine des régimes de retraite, tout particulièrement au sujet de la réforme des pensions. Des mesures ont été prises à l’égard de quelques-unes de ces idées, soit hausser le plafond de l’excédent admissible d’un régime avant de devoir arrêter les cotisations de l’employeur et autoriser de façon permanente l’utilisation de lettres de crédit pour garantir les paiements aux fins de l’amortissement du déficit de solvabilité. Même si ces deux éléments contribueront à améliorer la sécurité des prestations de pension destinées aux Canadiens, nous estimons que l’adoption d’un troisième élément aurait une influence encore plus grande, c’est-à-dire la promulgation de mesures législatives permettant aux employeurs de créer des fonds de sécurité de retraite qu’ils financeraient eux-mêmes à 100 %[i]et qui seraient distinctes des caisses de retraite à prestations déterminées, mais qui viendraient les compléter.

Ces neuf derniers mois, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux des finances ont axé leurs actions au chapitre de l’épargne-retraite sur les RPAC. L’Institut est d’avis que les RPAC représentent une option intéressante pour les Canadiens qui épargnent en vue de la retraite; toutefois, nous croyons que ces régimes doivent être mis en œuvre de manière à les rendre attrayants pour les employeurs, les salariés et les administrateurs de régime. La proposition 1 ci-après énonce la pensée de la profession au sujet de l’application de ces régimes.

Dans la proposition 2, nous partageons notre point de vue concernant la valeur que l’actuariat peut conférer au système de soins de santé et au renouvellement imminent de l’Accord sur la santé.

Propositions

1.  Régimes de pension agréés collectifs (RPAC)

Les Canadiens devraient épargner davantage en vue de la retraite. Depuis plusieurs années, les questions des pensions et de l’épargne-retraite font partie du plan national. Le peaufinement du système actuel et la mise en place de nouvelles idées, y compris des hausses modestes à révolutionnaires des prestations du Régime de pensions du Canada (RPC), ont suscité beaucoup d’attention. Lorsque les ministres fédéral et provinciaux des finances se sont rencontrés en décembre, il est devenu évident que l’attention se tourne maintenant vers les RPAC.

Même si les actuaires canadiens ont déclaré qu’en soi, ce type de régime n’est pas suffisant pour résoudre les problèmes de notre pays au chapitre du revenu de retraite, il est quelque peu prometteur s’il s’inscrit dans une solution globale visant à régler le problème sans cesse croissant des pensions et s’il est mis en œuvre comme il se doit. À notre avis, les RPAC représentent une autre option en matière d’épargne-retraite.

Suit le fruit de la réflexion de la profession au sujet des RPAC que nous avons présentée au ministère des Finances et aux représentants des provinces prenant part à la préparation d’un cadre pour les RPAC :

Nous appuyons la mise au point d’une autre option pour l’épargne-retraite des Canadiens si elle se traduit par des gains d’efficience, une réduction des coûts et un meilleur accès aux régimes d’épargne, plus particulièrement pour les travailleurs autonomes et les salariés de petites entreprises.

Notre principale recommandation à ce chapitre est la suivante : les RPAC devraient être assujettis à des règles simples, efficientes et harmonisées partout au Canada. À cette fin, il y aurait lieu de réglementer les RPAC comme un mécanisme d’épargne-retraite enregistré aux fins de l’impôt et non dans le cadre d’un ensemble disparate de lois et règlements fédéraux et provinciaux sur les pensions. À notre avis, on pourrait y arriver en ajoutant un article distinct à la Loi de l’impôt sur le revenu, à l’instar de ceux qui s’appliquent déjà aux régimes enregistrés d’épargne-retraite (REER) et aux régimes de participation différée aux bénéfices (RPDB). Ce type de modification pourrait englober les exigences d’immobilisation et elles devraient prévoir la réduction de l’impôt sur la masse salariale au titre des cotisations à un RPAC.

Nous entretenons des craintes au sujet des problèmes auxquels les RPAC sont confrontés :

  • Il sera difficile d’accumuler rapidement des actifs suffisants pour profiter d’économies d’échelle provenant de la réduction des coûts à moins que les ententes d’économies actuelles ne soient transférées au RPAC (ces transferts seraient plus attrayants si le RPAC est un produit simple et que les obligations sont transférées à l’administrateur du RPAC).
  • Nous craignons que les RPAC soient des régimes de pension agréés assujettis aux lois fédérales et provinciales complexes sur les pensions qui ont été marquées par de nombreuses variations inutiles. La simplicité sera un facteur clé de la réussite de cette nouvelle option.
  • Nous craignons pour la viabilité d’un mécanisme de RPAC unique qui se conformera simultanément aux règles fédérales et provinciales complexes, compte tenu de la mosaïque des règles existantes. Par exemple, les règles d’immobilisation et de déblocage qui varient selon le territoire d’emploi du participant ajouteraient un coût important à l’administration des RPAC. Outre l’immobilisation, les règles de nouvelle adhésion représentent un autre exemple évident de flottement à éviter entre les administrations.
  • Nous n’appuyons pas une obligation imposée aux employeurs d’offrir un RPAC à leurs employés même si les cotisations patronales ne sont pas obligatoires. Il en résulterait des coûts inutiles pour certains employeurs compte tenu que nombre d’employés n’ont pas besoin d’épargner davantage pour leur retraite et que le coût du RPAC ne serait peut-être pas inférieur à certains régimes enregistrés déjà accessibles.
  • Pour les RPAC, nous appuyons un cadre législatif en vertu duquel les obligations de l’employeur seraient sensiblement réduites ou éliminées, puis transférées à l’administrateur du RPAC, pourvu que les intérêts des participants soient protégés. Si les gouvernements souhaitent que les RPAC soient offerts à des prix raisonnables, l’élément de concurrence doit être présent. Par exemple, un nombre minimal de fournisseurs doivent être intéressés à offrir le produit et les fournisseurs doivent être assujettis à des obligations simples et bien définies.
  • Nous appuyons un régime d’agrément à l’égard du RPAC si les règles sont harmonisées partout au Canada.

2.  Actuaires—raisonnement indépendant et objectif appliqué aux soins de santé

Les actuaires sont des professionnels qui évaluent les répercussions financières d’événements futurs incertains et ils sont des experts des projections de coûts à long terme. De tous les professionnels reconnus, les actuaires sont les seuls qui sont spécialement formés pour fournir des conseils sur la situation financière des programmes d’assurance et pour évaluer l’impact des modifications apportées aux régimes de prestations, des changements démographiques et de l’incidence des nouvelles technologies médicales, par exemple.

Le Bureau de l’actuaire en chef applique actuellement l’actuariat au Régime de pensions du Canada, à la Sécurité de la vieillesse, au Programme canadien de prêts aux étudiants et aux régimes de retraite des parlementaires, des Forces canadiennes, de la fonction publique du Canada et de la Gendarmerie royale du Canada. Les actuaires participent à d’autres programmes d’assurance sociale, notamment l’assurance-emploi et les accidents du travail.

Les capacités et les conseils des actuaires sont appliqués dans le secteur privé de l’assurance de personnes et des assurances IARD. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le travail des actuaires touche la vie de presque tous les Canadiens.

L’Institut canadien des actuaires est d’avis que :

  • l’assurance-maladie est la pierre angulaire du filet de sécurité social et économique du Canada;
  • le système de soins de santé est constamment soumis à des contraintes financières;
  • il convient d’évaluer l’impact des nouvelles technologies sur le coût et la prestation de services de santé de qualité auxquels les Canadiens s’attendent;
  • les facteurs démographiques entrent dans une ère de changement sans précédent, ce qui entraîne des problèmes exceptionnels pour le financement et la viabilité du système actuel;

et qu’ainsi, les compétences, l’expertise et les aptitudes des actuaires doivent être mises à contribution pour relever les défis auxquels l’assurance-maladie est confrontée.

Nous demandons au gouvernement de tirer profit de l’application de l’actuariat aux enjeux financiers et aux projections de coûts sous l’angle de la suffisance et de l’efficience du financement de l’assurance-maladie et de sa concordance avec les besoins futurs.

Les actuaires fourniraient une analyse objective et des conseils d’expert aux administrations publiques au sujet de questions relatives à la conception des soins de santé, aux garanties offertes et au financement afin de :

  1. créer des possibilités pour faire participer les Canadiens à des discussions ouvertes sur de nouvelles stratégies visant à assurer l’avenir des programmes publics de soins de santé et des coûts qui y sont associés;
  2. dégager des idées qui mènent à la mise au point d’incitatifs pertinents et de solutions novatrices de manière à accroître l’efficience et la viabilité des programmes publics de soins de santé à long terme;
  3. profiter des tendances démographiques et technologiques futures pour orienter les ressources stratégiques requises à court, à moyen et à long terme;
  4. équilibrer la pression démographique sur le financement des soins de santé entre les provinces et le gouvernement fédéral;
  5. li>établir des modèles et des ensembles de données pertinents pour déterminer les services les plus efficients compte tenu de la compression des budgets des soins de santé.

Comme il est mentionné ci-devant, l’actuariat et ses praticiens sont déjà des conseillers dignes de confiance dans les domaines des pensions et de l’assurance, de même que des vastes programmes sociaux canadiens. À notre avis, dans l’intérêt du public, le moment est venu de mettre en pratique cette expertise pour régler les problèmes du système de soins de santé. L’Institut canadien des actuaires s’engage à appliquer cette initiative de concert avec le gouvernement, et à la faire progresser.

[i]Des fonds de sécurité de retraite - une approche novatrice en matière de provisionnement des régimes de retraite

Il faut créer un nouveau mécanisme de provisionnement qui précise la propriété de l’actif, en complément des fonds de régimes de pension agréés qui existent actuellement.

Nous estimons que la plupart des promoteurs de régimes seraient plus susceptibles de financer un régime de retraite à prestations déterminées de façon plus conservatrice, augmentant ce faisant la protection des participants, s’ils savaient qu’ils récupéreraient les excédents éventuels de leurs cotisations. Cette confiance garantirait le maintien des régimes de retraite à prestations déterminées existants et la création de nouveaux régimes.

Nous proposons de faciliter cette amélioration grâce à un moyen innovateur : les fonds de sécurité de retraite. Les promoteurs de régimes pourraient cotiser à des fonds de sécurité de retraite indépendants des fonds de retraite à prestations déterminées, mais complémentaires. L’actif de ces fonds serait investi de la même façon que celui des fonds de retraite ordinaires, mais serait maintenu séparément et placé sous la garde d’un fiduciaire. Contrairement au fonds des régimes de pension agréés, cependant, un fonds de sécurité de retraite ne contiendrait que les cotisations du promoteur du régime et « appartiendrait » à celui-ci.

Les cotisations pour financer les déficits de solvabilité et toutes les contributions additionnelles que le promoteur du régime fait volontairement pour consolider le provisionnement du régime seraient versées au fonds de sécurité de retraite. Les cotisations issues de l’évaluation à long terme seraient versées au fonds de retraite courant. Si une évaluation ultérieure démontre qu’une partie de l’actif du fonds de sécurité de retraite n’est pas nécessaire au paiement des prestations, l’excédent pourrait être rendu au promoteur. Les montants versés au fonds de sécurité de retraite seraient déductibles et les montants retirés de ces fonds seraient assujettis à l’impôt.

La création d’un fonds de sécurité de retraite ne nécessiterait pas de hausse du montant maximum des cotisations aux régimes de pension actuellement en vigueur. Aux fins de l’application de la Loi de l’impôt, le maximum des cotisations annuelles du promoteur d’un régime comprendrait l’ensemble de ses contributions au fonds du régime et au fonds de sécurité de retraite.

Nous recommandons que la Loi de l’impôt et ses règlements soient modifiés en vue de permettre la création de fonds de sécurité de retraite déductibles afin de faciliter le versement de ces cotisations. Cette mesure aura pour effet de rehausser le provisionnement des régimes de retraite à prestations déterminées et d’accroître la protection des prestations pour leurs participants.

Mémoire présenté au Comité permanent des finances de la Chambre des communes par l’Institut canadien des actuaires, août 2007, document 207076